Pour une transversion écologiste sociale

Par Le 26/05/2020 0

La politique n'est jamais qu'une affaire de mots (et de luttes). Des mots pour concevoir et transmettre les idées qui nous animent. Si les mots ont du sens, il nous faut donc choisir les bons mots. Des mots qui vont exprimer suffisamment pour dire tout ce qu'il y a à dire, mais pas assez pour qu'on leur fasse dire ce qui n'est pas nous.

Chez les écologistes, le choix des mots est d'autant plus important que plus rien n'y est clair. Les écolos y sont maintenant aussi bien de gauche que de droite, capitalistes ou anticapitalistes, progressistes ou primitivistes, libertaires ou autoritaires. Bien sûr il y a des distinctions possibles, entre écologistes libéraux, les écosocialistes, les écologistes sociaules, les écologistes patriotes, etc. Mais tout ça n'est qu'affaire de spécialistes et pour la majorité des gens il n'y a guère qu'un moyen qui s'est imposé pour différentier les écologistes : le moyen d'action qu'ils proposent.

Aujourd'hui il y a essentiellement trois écologismes qui forment deux blocs : la transition ou la révolution. Des mots qui parlent. Qui se sont imposés partout dans les discours. La révolution bien sûr est là depuis longtemps et n'a fait qu'incorporer l'écologisme qu'elle a théorisée1 à ses ambitions plus larges.

La transition quand à elle théorisée par Rob Hopkins, s'est vue octroyée un essor fabuleux en quelques années par l'intermédiaire des politiques et médias qui ont sautæs sur l'occasion de relier durablement l'écologisme à un concept qui propose un vague changement. Un changement progressif qui s’appuierait sur les valeurs libérales de l'action et de la responsabilité individuelle. Permettant ainsi de culpabiliser les classes populaires qui ne feraient pas assez d'efforts ainsi que les politiques auxquells on s'en remet pour mettre en place les changements d'envergure. Ce ne serait presque pas de la caricature de dire que pour la transition, le passage à un monde écoresponsable ce n'est qu'agir individuellement pour faire pression sur les politiques et les entreprises pour les inciter à agir aels-mêmes. La question du capitalisme et de l'Etat-Nation n'est pas abordée, ou très à la marge, pour considérer qu'un monde écologiste est possible, demain, même sans les remettre en cause.

La transition est multiple et c'est là la cause de ces soucis, ne s'étant pas clairement définie autrement que par le changement, elle se retrouve à agréger aussi bien les tenants de l'environnementalisme gouvernemental et capitaliste que ceux de la nouvelle collapsologie. Celle-ci radicalise relativement la transition pour une raison simple : pour elle, le système actuel va s'effondrer et il nous faut donc agir maintenant pour que demain nous puissions gérer cette hécatombe. Mais là encore, problème, le "système industriel" qui va s'effondrer n'est presque jamais relié à la question du système capitalo-étatiste. On peut observer au contraire que nombreuxe sont les théoricieis et partisanis de la collapsologie qui mobilisent leur concept d'effondrement dans le but de susciter le mouvement politique et de permettre la justification de l'imposition relativement autoritaire de comportements et normes environnementales.

Les écologistes sociaules dans tout ça sont évidemment issus du camp de la révolution dont les théories de Murray Bookchin font une formidable synthèse. Car sous les simples mots d'écologie sociale qui renvoient avant tout à la domination sociale que l'huma exerce sur la nature parce qu'ael l'exerce sur ses semblables, se cache une association multiple que je résumerai ainsi : l'écocommunisme libertaire communaliste et progressiste. Mais si la révolution est à l'origine et tient toujours une place de choix dans l'écologie sociale, M. Bookchin y a associé d'autres modes d'actions et particulièrement celui de s'organiser à l'intérieur de la société actuelle pour y mettre en place les institutions et les actions de la nouvelle société à venir. Partant du principe que c'est le seul moyen de permettre à la révolution de s'établir sur des bases sûres quand elle adviendra et d'éviter ainsi toute récupération par les contre-révolutionnaires de tous horizons. Ce mode d'action est à mon avis l'occasion de forger une nouvelle identité écologiste dans le monde actuel. Une identité qui ne soit pas directement liée à la révolution, qui semble avoir perdu son attrait par toute la négativité que le pouvoir lui a associée et par la peur qu'elle peut susciter, mais qui ne l'oublie pas pour autant. Une identité qui puisse traduire correctement l'action qui nous anime et qui puisse faire sa peau à la transition qui enlise l'écologisme dans le capitalisme.

Choisir le bon mot. On peut reconnaitre à la transition qu'elle n'a pas trop mal choisi son nom, trans eo : "aller au delà". "Au delà". J'aime bien, ça suppose une direction, un changement d'état, un nouveau monde. Mais si ce nouveau monde vient de celui-ci, si c'est lui qui va au delà de lui-même, qu'on le porte au delà de lui-même, non merci ! Pas très envie de risquer de garder ses bases oppressives...

La transversion c'est beaucoup mieux ! On pourrait dire traversion aussi. Soyons transversivis !

Transversare, "traverser ; verser au delà", transvertere,"tourner au delà; détournement". A beaucoup d'égard, le mode d'action de l'écologie sociale c'est de traverser la société de domination. Tandis que la transition suppose la métamorphose, le passage de la société d'un état à un autre, l'évolution du capitalisme en une société écoresponsable, la transversion propose tout autre chose : remplacer la société par une autre.

Traverser c'est changer de bord, se mettre en travers de la route du capitalisme. C'est aussi se trouver à l'intérieur de lui, entouré par lui et finir par le percer de part en part pour l'avènement d'une autre société. Traverser ce n'est pas réformer la société mais la mettre à bas de l'intérieur et en travers d'elle pour lui substituer la nouvelle société que nous voulons. Remplacer ses bases par de nouvelles. Traverser c'est verser le capitalisme dans l'au delà.

Traverser c'est aussi passer des frontières, passer au delà de ce qui nous est commun pour se confronter à l'inconnu ou le méconnu. C'est en traversant ces frontières entre nous qu'on crée le lien social, vecteur de l'écologie sociale. C'est par là que la transversion renoue toujours plus avec la révolution libertaire. Elle est transversale, intersectionnelle, elle assemble les luttes contre toutes les oppressions et les transcende. La transversion ne peut accepter aucune oppression, elle ne peut pas plus laisser vivre l'Etat-Nation que le capitalisme. Pas plus que le patriarcat ne pourrait lui survivre. Sa lutte est sans concession.

Dès son origine l'écologie sociale était une passeuse de frontière, à l'image de son fondateur qui a traversé le spectre révolutionnaire avant d'en proposer un dépassement synthétique. A présent, il ne tient qu'à nous, écologistes sociaules et autres écologistes radicaules et libertaires, si mon idée vous séduit, d'être transversivis et de porter la transversion comme mode d'action contre la société de domination et ses systèmes oppressifs et pour l'émancipation et l'harmonie.

 

Zannazook

 

1 Elisée Reclus notamment.

 

Ecologie sociale Liam Gonzalez Transversion

Ajouter un commentaire

Anti-spam